Alors que lundi 15 mars 2022 (aujourd’hui), le passe vaccinal est suspendu mais pas l’obligation vaccinale (voir le décret du 12 mars 2022, publié le 14 mars) et les masques relégués dans nos placards, deux conseils de prud’hommes (Colmar et Alençon), en référé ordonnent la réintégration de deux salariées suspendues.

– L’ordonnance du 16 février 2022 du Conseil de Prud’hommes de Colmar.( pour la télécharger: COLMAR ORDONNANCE DE REFERE

LES FAITS.

Une salariée, comptable au sein d’un EPHAD depuis 2006, soumise à l’obligation vaccinale, saisit la Conseil de Prud’hommes de Colmar, en référé, afin d’annuler la suspension de son contrat de travail, d’ordonner la reprise de ses salaires et condamner l’employeur à des rappels de salaires durant la suspension de son contrat de travail.

Cette salariée ne souhaitait pas se faire vacciner, elle avait sollicité une rupture conventionnelle qui a été refusée. Après un arrêt de travail pour maladie, le contrat de travail de la salariée est suspendu.

Elle occupait un poste de comptable et n’était pas en contact avec la clientèle. Son poste pouvait être exercé dans le cadre du télétravail.

LA MOTIVATION DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE COLMAR.

Le Conseil de Prud’hommes de Colmar fonde sa décision sur les articles L1121-1 (atteinte disproportionnée aux droits et libertés) et L1132-1 du code du travail (discrimination), ainsi que le règlement européen sur le RGPD (qui interdit à l’employeur de collecter les données sur la santé de ses salariés) ainsi que le secret médical notamment. Il se déclare compétent afin de mettre fin à un trouble manifestement illicite.

Le Conseil de Prud’hommes précise qu’il prend sa décision eu égard à la situation de l’espèce: une salariée qui occupe un bureau avec un accès propre, l’employeur aurait pu prendre des mesures afin d’éviter que la salariée croise des résidents dans les couloirs et surtout l’employeur aurait pu mettre en place du télétravail pour cette salariée.

La salariée est représentante du personnel, le Conseil de Prud’hommes relève la situation totalement incongrue dans laquelle la salariée se trouve: en tant que représentante du personnel elle pouvait assister à des réunions sans justifier de passe vaccinal alors qu’elle ne pouvait pas travailler seule dans son bureau. Un parallèle est effectué avec la décision du Tribunal administratif de Lyon qui a annulé la suspension d’un salarié, cuisinier dans un Hôpital.

A noter que le Conseil de Prud’hommes de Colmar fait références aux propos de notre Président sur les non vaccinés qu’il emmerde: » (..) nonobstant les récents propos avouant que le but n’était que d’importuner les non vaccinés »

Le Conseil de Prud’hommes de Colmar ordonne l’annulation de la suspension de son contrat de travail, la reprise du paiement de ses salaires, la condamnation au paiement de rappels de salaires.

-L’ordonnance du 1er mars 2022 du Conseil de Prud’hommes d’Alençon., pour la télécharger:
ALENCON ORDONNANCE DE REFERE

LES FAITS

La salariée travaille dans un EPHAD en qualité d’infirmière depuis 2014. Elle est soumise à l’obligation vaccinale.

En 2015, on lui diagnostique un cancer avec un traitement lourd, elle déclare avoir mis 4 ans pour éliminer de son corps la chimiothérapie.

A l’audience, elle indique qu’elle s’inquiète des effets secondaires du vaccin et qu’elle élève sa fille âgée de 16 ans seule.

Elle ne souhaite pas se faire vacciner.

Elle est suspendue et saisit le Conseil de Prud’hommes afin que cette suspension soit annulée et pour obtenir sa réintégration ainsi que les rappels de salaires sur la suspension.

LA MOTIVATION DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES D’ALENCON.

Elle est plus fragile que celle du Conseil de Prud’hommes de Colmar et repose sur l’interdiction de sanctions pécuniaires édictées par le code du travail sans commission d’une faute… alors que cette suspension est issue de la loi du 5 août 2021 et qu’il suffit de ne pas être vacciné pour être suspendu, aussi à mon sens la référence à cet article n’est pas très pertinente.

Le Conseil de Prud’hommes se fonde aussi sur le libre consentement de la salariée et le droit de pouvoir refuser un vaccin qui bénéficie d’une autorisation conditionnelle.

J’ignore si ces ordonnances sont définitives ou si elles ont été frappées d’appel. Si tel est le cas, pour celle d’Alençon, la motivation est vraiment trop légère pour passer le cap de la Cour d’appel, surtout qu’il s’agit d’une infirmière, l’obligation vaccinale pourra paraître évidente. Le Conseil de Prud’hommes d’Alençon a statué en équité et je dirai même en humanité.

Le Conseil de Prud’hommes de Colmar a statué dans une espèce très particulière dans laquelle la salariée soumise à l’obligation vaccinale était comptable et non soignante et pas en contact avec le public. Elle a statué « en bon sens », et a statué en fonction de l’esprit du texte qui était d’éviter la propagation du virus.

(mes remerciements à ma Consoeur Dominique GANTELME, membre du collectif des avocats anti-passe, de m’avoir communiqué ces décisions)