« Congés payés en arrêts maladie : le patronat pousse un gros ouf de soulagement » titre   l’Opinion le 17 mars.

Motif ? Le gouvernement a déposé un amendement dans le cadre du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (DDADUE) afin de mettre en conformité le droit des congés payés français avec une directive datant de 2003, dans des conditions acceptables pour les entreprises.

Depuis 20 ans en effet, la France est « hors la loi européenne ». Elle se décide enfin à transposer cette directive qui précise que tout salarié a droit à des congés payés, qu’il ait travaillé ou pas, l’acquisition des congés payés, pour le droit européen, n’étant pas conditionnée à un travail effectif.

La Cour de cassation a un peu forcé la main du législateur en rendant plusieurs arrêts, le 13 septembre 2023, par lesquels elle a considéré que les salariés arrêtés pour maladie acquièrent des congés payés durant leurs arrêts.

Le Code du travail ne permettait pas cette acquisition.

La Cour de cassation a appliqué le droit européen.

Sa décision a suscité des craintes de la part des syndicats d’employeurs.

En effet, au terme de ces décisions, les salariés pourront théoriquement réclamer leurs arriérés de congés payés sans limitation de durée et sans aucune prescription, dès lors qu’ils n’ont pas été informés de la possibilité d’acquérir ces congés payés.

L’insécurité juridique pour les entreprises est à son comble car un salarié dont le contrat a été rompu par exemple en 2014 peut aujourd’hui saisir le conseil de prud’hommes pour récupérer des congés acquis en 2010, et ceci sans aucune limite sur le montant de ces derniers.

Des pétitions ont été diffusées, des chiffres au doigt mouillé ont été avancés par les employeurs pour mettre la pression sur le gouvernement afin de limiter la portée des arrêts de la Cour de cassation.

C’est dans ce contexte que l’amendement a été présenté à l’Assemblée nationale.

Pourquoi les employeurs sont-ils soulagés alors que cet amendement a pour but affiché de transposer le droit européen et par conséquent d’introduire des droits plus favorables pour les salariés ?

Parce que cet amendement réduit considérablement les droits des salariés arrêtés pour maladie.

Certes les dispositions qui permettent aux salariés arrêtés pour maladie d’acquérir des congés payés sont rétroactives, mais la rétroactivité est encadrée puisque l’amendement limite le nombre de congés payés qui peuvent être acquis sur une période de référence.

L’amendement limite la durée de report des congés payés des salariés en poste et leur accès à la justice en introduisant un délai de forclusion de deux ans qui débute à compter de la publication de la loi.

Par ailleurs, les salariés n’acquièrent pas le même nombre de congés payés par an selon la nature de leur arrêt maladie. S’ils sont arrêtés à la suite d’un accident du travail ou maladie professionnelle, ils ont droit à 5 semaines de congés payés.

S’ils sont arrêtés pour une maladie simple, ils n’acquièrent que 4 semaines de congés payés.

Cette réduction des droits de l’immense majorité des salariés en arrêt maladie simple explique le soupir de soulagement des employeurs qui ont exercé un lobbying important auprès du gouvernement, estimant que cette mise en conformité leur coûterait des milliards.

Sans aucune étude d’impact, l’amendement déposé presqu’en catimini a été adopté en première lecture par l’Assemblée Nationale, le 18 mars 2024.

Une commission mixte paritaire est prévue le 9 avril 2024 et devrait adopter définitivement le texte, qui à mon sens ne mettra pas forcément fin aux sueurs froides des employeurs, surtout si, comme certains l’espèrent, le Conseil constitutionnel s’en mêle.

Le texte a été rédigé à la va-vite pour satisfaire les entreprises en panique, il comporte de nombreuses interrogations.

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