La question du passe sanitaire en entreprise pose énormément de difficultés pratiques.

Il a été introduit par le projet de loi sur la gestion de la crise sanitaire qui doit être examiné par le Conseil Constitutionnel jeudi 5 août 2021.

Cette loi est aussi désastreuse pour les salariés que pour les employeurs.

Depuis quelques jours, la presse se focalise sur la suspension du contrat de travail à durée indéterminée, imbroglio juridique et se désintéresse du sort des salariés engagés par des contrats à durée déterminée.

Pourtant, ce sont ces salariés qui travaillent en majorité dans les secteurs d’activités visées par l’obligation du passe sanitaire.

Les restaurateurs par exemple devront contrôler leurs salariés qui pourront travailler à la condition de montrer le fameux sésame.

Or, Pôle emploi a publié une étude en 2017, dans la restauration le recours aux contrats à durée déterminée est le plus élevé sur l’ensemble de l’économie: Etude Pôle Emploi 2017.

Le projet de loi sur la gestion sanitaire a inséré en effet une possibilité de rompre le Contrat à durée déterminée d’un salarié avant échéance du terme pour non présentation du passe sanitaire dans les entreprises concernées par le passe sanitaire:

« Par dérogation à l’article L. 1243-1 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée peut être rompu avant l’échéance du terme, à l’initiative de l’employeur, selon les modalités et conditions définies pour le licenciement mentionné à l’article L. 1232-1 du même code et, pour les salariés protégés, au livre IV de la deuxième partie dudit code. Les dommages et intérêts prévus au premier alinéa de l’article L. 1243-4 du même code ne sont alors pas dus au salarié. Le salarié perçoit néanmoins l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L. 1243-8 du même code, à l’exclusion de la période de suspension mentionnée au premier alinéa du présent 1. Par dérogation à l’article L. 1251-26 du code du travail, le contrat de mission du salarié temporaire peut être rompu avant l’échéance du terme à l’initiative de l’entreprise de travail temporaire, selon les modalités et conditions définies pour le licenciement mentionné à l’article L. 1232-1 du même code et, pour les salariés protégés, au livre IV de la deuxième partie dudit code. L’indemnité de fin de mission prévue à l’article L. 1251-32 du même code est due au salarié temporaire, à l’exclusion de la période de suspension mentionnée au premier alinéa du présent 1. »

Une véritable inégalité de traitement a été introduite avec cette disposition, inégalité de traitement entre les salariés engagés par contrat à durée indéterminée sans passe sanitaire qui risqueront une suspension de contrat de travail sans rémunération et le salarié à contrat déterminée sans passe sanitaire qui risquera la rupture anticipée de son contrat de travail.

Les cas de rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée sont limitativement énumérées dans le code du travail. La loi sur la gestion de la crise sanitaire introduit un nouveau mode de rupture du contrat anticipée: la rupture anticipée pour non présentation du passe sanitaire, rupture qui serait pour cause réelle et sérieuse.

L’employeur ne devra pas de dommages et intérêts prévu à l’article L 1243-4 du Code du travail s’il utilise cette rupture anticipée.

En revanche, il n’est pas précisé dans le projet de loi que le salarié n’aura pas à régler des dommages et intérêts dans l’hypothèse de l’article L1243-3 du code du travail : « La rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l’initiative du salarié en dehors des cas prévus aux articles L. 1243-1 et L. 1243-2 ouvre droit pour l’employeur à des dommages et intérêts correspondant au préjudice subi. »

Or, prenons un exemple, un salarié, serveur dans un restaurant engagé par un contrat à durée déterminée ne présente pas son passe sanitaire, son employeur dans un premier temps suspend son contrat de travail qui arrive à son terme dans deux mois.

Au bout d’un mois de suspension, le salarié en a assez et démissionne. Or, ce cas de rupture n’est pas prévu par l’article L1243-1 du code du travail:

« Sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail. » ou encore l’article L1243-2 du code du travail qui autorise la rupture à l’initiative du salarié dans l’hypothèse où ce dernier est engagé par un contrat à durée déterminée.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, l’employeur pourrait demander des dommages et intérêts du fait de cette démission et pour le préjudice subi.

En Marche sur la tête !

Le salarié sans passe sanitaire dont le contrat de travail sera rompu de manière anticipée aura droit néanmoins précise le texte (merci de l’aumône) à l’indemnité de fin de contrat de l’article L1243-8 du même code, à l’exclusion de la période de suspension. Cela signifie qu’il aura droit à l’indemnité de précarité mais que cette dernière ne tiendra pas compte des suspensions et des non-salaires perçus pendant ces dernières.

Dernière question, si la rupture anticipée est dépourvue de cause réelle et sérieuse, le salarié pourra-il contester le motif de cette rupture anticipée ?

Prenons l’exemple d’un salarié qui présente durant un mois son passe sanitaire et accède à son travail, il oublie son passe et son employeur le soupçonne de ne pas être vacciné et d’avoir passé pendant un mois des tests PCR.

Le contrat de travail est alors rompu de manière anticipée pour cause réelle et sérieuse.

Dans cette hypothèse la cause est réelle mais est-elle suffisamment sérieuse ?

Le salarié pourra t il solliciter des dommages et intérêts pour cette rupture anticipée dépourvu de cause réelle et sérieuse, le barème macron s’appliquera t il ?

En conclusion, encore une fois ces dispositions sur la rupture anticipée du CDD ont été mal rédigées, bâclées et laissent de nombreuses questions en suspens. En revanche , les rédacteurs n’ont pas perdu l’ouest quand il est question de l’intérêt des employeurs.

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