« Comme c’est un sujet super sensible, je la tente : les gars vous savez c’qu’on dit à une femme qu’a déjà les deux yeux au beurre noir ? – Elle est terrible celle-là ! – on lui dit plus rien on vient déjà d’lui expliquer deux fois ! ».
Ces propos ont été tenus par l’humoriste TEX, animateur à l’époque de l’émission « les Z’amours », durant l’émission sur C8 « C’est que de la télé ! », le 30 novembre 2017. Ils ont fait un « tollé » mais dans le mauvais sens du terme, cet « humour » sexiste n’est pas passé et ne passe plus.
Quelques jours après l’animateur, se vante auprès d’un de ses collègues d’avoir « fait son petit buzz ».Par ailleurs, il a une attitude déplacée, à l’égard d’une candidate, lors du tournage de son émission, lui demandant, à plusieurs reprises, la fréquence des rapports sexuels avec son compagnon.
L’animateur est licencié pour faute grave.
Il conteste ce licenciement devant le Conseil de Prud’hommes qui rejette sa demande, il interjette appel, la Cour d’appel confirme le jugement du Conseil de Prud’hommes.
Il décide alors de se pourvoir en cassation estimant que l’arrêt de la Cour d’appel aurait dû annuler son licenciement ou à tout le moins le considérer comme dépourvu de cause et sérieuse.
Au soutien de son pourvoi, il invoque la liberté d’expression (article 10 de la CEDH ainsi que l’article L1121-1 du code du travail).
Il considère ne pas avoir abusé de sa liberté d’expression en utilisant « ce trait d’humour » en sa qualité d’humoriste.
Pour ce qui est de la banalisation des faits qu’il a exprimé auprès de collègues, Tex estime que ces propos ont été tenus dans un cercle restreint, « en off » sans publicité et n’aurait jamais dû motiver son licenciement pour faute grave.
La Cour de cassation a rendu son arrêt le 20 avril 2022 (Pourvoi n° J 20-10.852) accompagné d’un communiqué explicatif.
Elle rejette le pourvoi de l’animateur en reconnaissant que l’employeur s’est ingéré dans l’exercice du droit à la liberté d’expression de ce salarié. Toutefois, le juge doit vérifier si une telle ingérence est nécessaire dans une société démocratique, et, pour ce faire, d’apprécier la nécessité de la mesure au regard du but poursuivi, son adéquation et son caractère proportionné à cet objectif.
A première vue, il est légitime de s’étonner : comment un employeur peut-il sanctionner un salarié qui a tenu des propos sexistes sur une autre chaîne et non dans le cadre de son travail d’animateur mais en qualité d’humoriste ?
L’explication est donnée par la Cour de cassation : dans son contrat de travail, qu’il se devait de respecter, une clause y figurait par laquelle l’animateur s’engageait à respecter l’ensemble des dispositions du cahier des missions et des charges de France 2 et de la Charte des antennes de France Télévisions et notamment « le respect des droits de la personne », comme constituant « une des caractéristiques majeures de l’esprit devant animer les programmes des chaînes publiques de télévision » tandis que la clause figurant à l’article 4.2 du contrat précisait que « toute atteinte à ce principe par Tex, qu’elle se manifeste à l’antenne ou sur d’autres médias, constituerait une faute grave permettant à Sony Pictures Télévision Production, dès que celle-ci en serait informée, de rompre immédiatement le contrat ».
En outre, la Charte de France Télévisions est claire, il ne sera pas toléré des propos risquant d’exposer une personne ou un groupe de personnes à la haine ou au mépris, notamment pour des motifs fondés sur le sexe .
La Cour de cassation précise par ailleurs le contexte particulier lorsque Tex a tenu ces propos :l’actualité médiatique, le mouvement #MeeToo et #BalanceTonPorc ainsi que la volonté gouvernementale de lutter contre les violences à l’égard des femmes.
La banalisation des propos à la suite de la diffusion de cette émission à une heure de grande écoute est également soulignée et « condamnée ».
Il convient tout de même de relever que seul le contexte est décrit, ce dernier n’est pas le fondement juridique de cet arrêt.
Ce qui justifie le licenciement pour faute grave, c’ est la violation d’une clause du contrat de travail par l’animateur.
Pour la Cour de cassation, le licenciement poursuivait un but légitime « de lutte contre les discriminations à raison du sexe et les violences domestiques et celui de la protection de la réputation et des droits de l’employeur, a exactement déduit, compte tenu de l’impact potentiel des propos réitérés du salarié, reflétant une banalisation des violences à l’égard des femmes, sur les intérêts commerciaux de l’employeur, que cette rupture n’était pas disproportionnée et ne portait donc pas une atteinte excessive à la liberté d’expression du salarié ».
En conclusion, Tex aurait mieux fait de ne pas tenter ce qu’il qualifie de trait d’humour qui aurait sans doute été toléré, il y a 30 ans, dans un contexte plus « patriarcal » et oserais-je écrire « masculiniste grivois ».
De plus, il y a 30 ans, la clause de « respect des droits des personnes » insérée dans son contrat de travail n’aurait pas existée.
Le temps des « blagues » sexistes glorifiées et tolérées est révolu et tant mieux pour les femmes et pour l’humour qui mérite mieux que ces propos grossiers et lourdauds.
Cet article a été publié dans les Echos Judiciaires Girondins n°6920 du mois de Mai 2022.